Longue nouvelle - chute oblige - plutôt que court roman, l'écriture de La Remise m'a permis de lier ma passion du bricolage, ma pratique de l'écriture et mes sentiments ambivalents pour mon beau-père dans un seul objet. Intéressant, non, de décrire les étapes d'une construction? Mais pas seulement.Il faut aussi une dramaturgie, une tension, il faut faire sentir qu'il se passe quelque chose au-delà des mots. On peut dire que La Remise est un polar - pourquoi pas ? Moi, je la vois plutôt comme un monologue à la Pinter.C'est certainement pourquoi ce texte est adaptable au théâtre sans trop d'efforts. Il a déjà été testé sur scène, il fonctionne très bien. Avis aux... professionnels!
La Remise plaît beaucoup aux bricoleurs, qui seuls savent que se mesurer aux parpaings et au ciment est, en réalité, tout autant un sport qu'une ascèse.
Un lecteur :
"La mode est paraît-il au bricolage, et jamais en France on n'a vendu autant qu'aujourd'hui de matériel et de matériau pour l'aménagement et la construction. Le narrateur de La remise en sait quelque chose, qui s'est mis en tête de construire lui-même, avec l'aide de son beau-père, un local où ranger toutes sortes d'objets (dont la liste revient, refrain immuable, périodiquement) et où faire aisément la lessive. Hélas, le beau-père, avec la condescendance du faux connaisseur, lui donne les conseils les plus inadéquats, d'où les mésaventures de la remise et de son constructeur, l'irritation et la paranoïa grandissantes de celui-ci contre son conseiller inefficace et nuisible. Rebondissements comiques et péripéties tragiques conduisent le récit sur un rythme alerte, et sur un sujet qui pourrait être anodin et fastidieux - la construction d'une remise, quelle affaire ! - on ne s'ennuie pas un seul instant" (SITARTMAG.COM)
Une extrait sonore ? Avertissement :
Le voici en deux morceaux :
Constatez que, par la suite, cela se gâte assez vite :
"Je vous ai entendu dire d’une voix traînante «faudrait creuser un peu » et me suis attelé à la tâche, comme si vos paroles étaient des désirs et des ordres. Muni d’une louche en plastique et d’une petite pelle de jardinier, j’ai creusé la terre pour qu’elle accueille confortablement les grilles métalliques sur lesquelles nous allions couler le ciment. J’avais décidé d’excaver sur une profondeur d’environ quinze centimètres. Cette ambition inférieure au double décimètre m’apparaissait dérisoire, mais l’arithmétique, si je l’avais interrogée, m’aurait immédiatement démontré le contraire et répondu : « Neuf mètres carrés multipliés par zéro quinze égale un virgule trente cinq. Par ton seau de plastique, ta louche de cuisine et ta petite pelle de jardinier transiteront près d’un mètre cube et demi de terre. »Le citadin se figure mal ce que représente un virgule trente cinq mètre cube de terre. J’ai perdu ma naïveté de banlieusard dans cette opération. La terre a d’abord envahi mes plates-bandes, puis la base du laurier, les abords du chemin. Elle débordait encore. J’en ai rempli des sacs poubelles de cent litres que je n’ai pas pu déplacer. Plus tard, après avoir transvasé cette terre dans des sacs de cinquante litres, je me suis compressé deux vertèbres lombaires en acheminant les sacs jusqu’au coffre de la voiture, dont les amortisseurs arrières ont très mal supporté ce poids excessif - connaissez-vous au moins le prix exorbitant de deux amortisseurs arrières ? Tout cela afin de déverser cette terre dans votre propre jardin, qui n’en manquait pourtant pas, afin qu’elle facilite l’éclosion des bulbes de Dahlias qu’un de vos neveux vous avait offerts - bref, cette terre a été je crois pour beaucoup dans la façon avec laquelle notre relation a évolué, sans compter la terre qu’il m’a encore fallu extraire lors du creusement des fondations du mur que nous devions élever dans l’alignement de la maison, et que par lassitude j’ai mis directement à la poubelle – de la terre à la poubelle, vous rendez-vous compte à quel degré d’inhumanité cette entreprise m’a si rapidementconduit ? Et comment et pourquoi ne vous en êtes vous pas, à ce moment, rendu compte ?"